Genesis n° 7
Revue : Genesis
208 pages
Format : 22 x 27 cm
ISBN : 9782858932412
Date de parution : 1995
Prix : 22 €
Comme tous les numéros impairs, ce numéro 7 de ” Genesis ” n’est pas consacré à un thème particulier et s’ouvre largement à la pluralité des approches et à la diversité des courants qui animent la recherche sur les manuscrits. Ainsi, à côté d’analyses explorant le cœur de la problématique génétique, comme celles que R. Pickering consacre à l’espace de la page chez Valéry, P. Brunel aux carnets de Huysmans, ou Z. Mitosek à la genèse d’un roman d’Andrzejewski, d’autres études pourraient paraître plus frontalières, qu’il s’agisse, pour M. Thévoz, de l’écriture ” pathologique ” d’un graphomane, pour B. Didier, de l’histoire des manuscrits théâtraux et musicaux de la fin du XVIIIe siècle, ou bien encore, pour M. de Grazia et P. Stallybrass, des incertitudes du texte shakespearien. Mais ces excursions sont d’autant plus intéressantes que, situées dans des domaines apparemment plus éloignés de l’objet de la critique génétique, elles contribuent à délimiter le champ propre de celle-ci. L’étude que Béatrice Didier consacre aux manuscrits théâtraux et musicaux de la fin du XVIIIe siècle cherche moins dans les manuscrits des témoins du mouvement d’une écriture que ceux d’une époque en mouvement, et par là ressortit plus à l’histoire des formes littéraires ou musicales qu’à la genèse d’une uvre particulière. À travers l’histoire des techniques et celle des supports textuels, l’étude de Margreta de Grazia et Peter Stallybrass vient conforter les prises de position théoriques de la critique génétique en montrant la fragilité des concepts de texte, d’uvre, d’auteur appliqués à des corpus de la Renaissance. Et en rappelant que ” le manuscrit est au livre ce que les pulsions sont à la conscience ou ce que le travail humain est à la valeur d’échange : une phase primaire dont on ne veut rien savoir “, M. Thévoz enrichit notablement nos analyses de la sphère privée de l’écriture,
Nous poursuivons aussi le dialogue entamé dans les numéros précédents avec d’autres courants critiques qui, à l’étranger, portent sur les manuscrits un regard différent du nôtre et abordent la création littéraire sous d’autres angles. C’est ainsi qu’en prolongement de la présentation que M. T. Giaveri avait donnée de la ” variantistica ” italienne dans le numéro 3, C. Segre rappelle ce qui fait l’originalité de la tradition italienne, et porte sur la critique génétique le regard d’un ” transalpin ” héritier d’une longue familiarité philologique avec les manuscrits d’auteurs. Cette confrontation permet de mieux appréhender l’ensemble des études génétiques et, à l’inverse, de mieux cerner l’apport spécifique de la critique génétique.
Grâce à cette diversité d’approches, des échos et des contrepoints thématiques que nous espérons fructueux se développent à l’intérieur du numéro lui-même. Ainsi dans la réponse que B. Cerquiglini apporte à C. Segre, où l’hommage du médiéviste à la critique italienne se conjugue à l’enthousiasme du linguiste devant le regard neuf que la critique génétique porte sur les manuscrits des écrivains.
Par une réserve qui n’est d’ailleurs pas rare chez les écrivains lorsqu’on sollicite leur témoignage sur leur pratique d’écriture, c’est du côté de l’uvre définitive, du livre ” terminé, imprimé ” que semble paradoxalement se placer R. Pinget dans l’entretien qu’il accorde à M. Renouard. On s’interrogera évidemment sur les raisons qui l’amènent à juger ” accessoire ” l’intérêt que portent ” certains ” à ” compulser les manuscrits “, alors même que l’écriture et ses ” embrouillaminis ” occupent une place aussi importante dans son uvre. Pudeur à ramener ainsi l’écriture à un thème qui l'” amuse ” pour mieux protéger l’intimité du cabinet de travail ? Ou pirouette, comme le suggérerait plutôt le rapprochement qu’il nous propose entre cet amusement et la ” fameuse Muse de nos prédécesseurs ” ? L’inédit que nous reproduisons ici révèle bien le caractère pulsionnel de l’écriture auquel M. Thévoz accorde une place centrale dans le manuscrit.
Cette ” permission donnée à l’écrivain de se faire dessinateur ou plasticien sans avoir à en assumer l’appellation ni même la conscience ” (M. Thévoz) trouve toutefois son pendant dans ce que R. Pickering nous décrit du fonctionnement de la page chez Valéry dont l’écriture-collage, fragmentaire et saccadée, vient briser la belle ordonnance et la discipline de l’écriture volontaire à visée théorisante. Diversité des dispositifs, des jeux et des efforts par lesquels, selon la formule employée par R. Pinget, les écrivains entretiennent ” le mouvement du mécanisme ” de la création, communauté, chez les collectionneurs et les chercheurs, d’une passion pour les manuscrits : telle est bien, enfin, la leçon des deux entretiens que J. Neefs a menés avec Th. Bodin et F. Chapon, qui nous guident à travers les grandes collections et nous rappellent comment sont nés ces fonds littéraires sans lesquels la critique génétique perdrait son objet.
Enjeux
9 la matérialité du texte shakespearien, par P. Stallybrass, M. de Grazia
29 Critique des variantes et critique génétique, par C. Segre
47 En écho à Cesare Segre. Réflexions d’un cisalpin, par B. Cerquignili
49 L’écriture incestueuse, par M. Thévoz
Études
69 Écriture et unité de la page chez Valéry, par R. Pickering
85 Inscriptions de régie dans les manuscrits dramatiques et musicaux de la fin du XVIIIe siècle, par B. Didier
105 Histoire et moralité. Les transformations du sens dans la genèse des “Portes du paradi” de Jerzy Andrzejewski, par Z. Mitosek
115 Des carnets de Huysmans aux “Trois Primitifs”, par P. Brunel
Témoignages
123 Écrire : façons de dire, façons de faire. Entretien avec Robert Pinget, par M. Renouard
Inédit
149 “Affaire Ducreux”. Présentation de Madeleine Renouard, par R. Pinget